Atlante - Revue d'études romanes
 

Numéro 1 - Automne 2014
Le tremblement de terre de Lisbonne de 1755 : Perceptions d’un événement


03. « Quand s’entrouvre et chancelle cette terre qui nous porte… » Sur quelques représentations mythiques et usages poétiques du tremblement de terre -

catastrophe événement eschatologique Iliade Sénèque tremblement de terre de Lisbonne 1755

Philippe Rousseau
Université Lille 3
Savoirs, Texte, Langage UMR 8163
p. 81-109.

 

Philippe ROUSSEAU, « Quand s’entrouvre et chancelle cette terre qui nous porte… » Sur quelques représentations mythiques et usages poétiques du tremblement de terre.

Résumé. Afin de compléter l’étude de l’effet du séisme de 1755 sur les consciences et les discussions qui suivirent le désastre au Portugal et en Europe, Ph. Rousseau part du traité dans lequel Sénèque analyse les réactions des hommes devant ces catastrophes naturelles et s’applique à prémunir ses lecteurs contre la peur, si compréhensible, de ces événements redoutables, et à les mettre en garde contre les interprétations et les conduites irrationnelles que ceux-ci inspirent. Dans cette description de l’expérience mentale spontanée de la catastrophe, le stoïcien recourt à une image dont la première attestation remonte à la plus ancienne description d’un tremblement de terre dans la poésie occidentale, au début du chant XX de l’Iliade. Le choix de cette citation est délibéré. Sénèque relie par ce biais l’expérience de la conscience commune aux représentations qui donnent à cet ébranlement cosmique le sens d’un événement eschatologique – la manifestation surnaturelle d’un dessein divin et l’annonce de la fin du monde ou d’un âge du monde. Le déchaînement des forces telluriques a pu encore passer en 1755 pour l’effet de la colère divine et une préfiguration de la fin des temps comme, dans la théomachie iliadique, l’ébranlement du sol par Poséidon annonce, figurativement, la fin de l’âge des héros.

Mots-clés. catastrophe, événement eschatologique, Iliade, Sénèque, tremblement de terre de Lisbonne, 1755.

 

Philippe ROUSSEAU, « Quand s’entrouvre et chancelle cette terre qui nous porte… » On some mythical representations and poetic uses of the earthquake.

Abstract. In order to complete the study of the impact of the earthquake of 1755 on the minds of the people and the discussions which followed the disaster in Portugal and in Europe, Ph. Rousseau takes as his starting point the treatise in which Seneca studies the way human beings react to those natural catastrophes and endeavours to protect his readers against the very understandable fear of those terrifying events as well as to warn them against the irrational interpretations and behaviours inspired by them. Describing the spontaneous human response to this kind of catastrophe the Stoic philosopher makes use of an image of which the first attestation goes back to the oldest depiction of an earthquake in European poetry, at the beginning of book XX in the Iliad. The quotation is intentional. Seneca links up through it the common experience of the human mind and the mythical representations which give to the cosmic tremor the sense of an eschatological event – the supernatural manifestation of a divine design and the harbinger of the end of the world or of an age of the world. The outburst of telluric forces could still be taken in 1755 for an effect of the divine wrath and the foreshadowing of the end of time, just as in the Iliadic Theomachy the shaking of the earth by Poseidon figuratively foretells the end of the age of heroes.

Keywords. catastrophe, eschatological event, Iliad, Lisbon earthquake, Seneca, 1755.

 

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