Atlante - Revue d'études romanes
 

Numéro 5 - Automne 2016
La Parole inconvenante Limites et transgression dans les lettres romanes du XVIe siècle


07. Représenter la laideur obscène. De l'équivoque burlesque aux transgressions libertines -

Diane Robin
Université Paris-Sorbonne
p. 124-141.

Diane ROBIN, Représenter la laideur obscène. De l’équivoque burlesque aux transgressions libertines.

Résumé. La représentation de la laideur obscène pose avec acuité la question des limites du decorum dans la première modernité, qui s’attache tant à édicter les normes du corps et du comportement. La figure poétique de la vieille lubrique est investie d’une fonction polémique contre les canons pétrarquistes et remet en cause la conception idéalisante de la mimésis. L’article se penche sur la poésie burlesque italienne du seizième siècle ainsi que sur ses héritiers français, les poètes libertins du début du dix-septième siècle. Ces écrivains se jouent des frontières du decorum et du dicible selon diverses modalités. Les burlesques italiens opèrent un travestissement burlesque des éloges pétrarquistes de la beauté : ils parodient ces derniers dans des éloges ironiques de la laideur, qu’ils érotisent par des métaphores et des équivoques. Les poètes libertins amplifient l’obscénité dans des dispositifs qui préfigurent les pratiques sadiennes. Ils cultivent l’ambivalence sur des registres contrastés. Alors que les burlesques italiens expriment leur fascination du laid sur un mode hyperbolique ironique, les satires libertines dissimulent leur attrait sous une horreur extrême. Ainsi s’amorce ce renversement des valeurs esthétiques qui s’accomplira pleinement à l’époque contemporaine.


Mots-clés : laideur, obscénité, libertinage, transgression, poésie burlesque.

 

Diane ROBIN, The Representation of obscene ugliness. From the burlesque equivocation to libertine transgressions.

Abstract. The representation of obscene ugliness leads one to ask insightful questions as to the limits of decorum in the dawn of modernity, which placed such importance on prescribing bodily and behavioural norms. The poetic figure of the lecherous old woman was imbued with a controversial role that stood against the Petrarchan canon and cast doubt on the idealising concept of mimesis. The article focuses on sixteenth century burlesque Italian poetry, as well as its French descendants, the libertine poets of the early seventeenth century. In different ways, these writers pushed the boundaries of what was acceptable and utterable. The Italian poets offered a burlesque contortion of Petrarchan eulogies to beauty, parodying them in their own ironic eulogies to ugliness, eroticised through metaphor and ambiguity. The Libertine poets highlighted the obscenity of ugliness that foreshadowed Sadean works. They cultivated ambivalence through contrasting registers. While the former expressed their fascination through a manner of hyperbolic irony, the latter concealed their attraction beneath extreme disgust. And so began the reversal of aesthetic values that would reach its full potential in the contemporary period.

Mots-clés:ugliness, obscenity, libertinism, transgression, poetry, burlesque.

 

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